Limazinèr Césaire

06/10/2008
Projets

Projet

Hommage à Aimé Césaire – Limazinèr Césaire

Aimé Césaire nous a quittés, mais comment honorer sa mémoire et faire vivre la force de son engagement ? Si, au cœur de lantouraz de nos poètes, son œuvre continue de résonner et d’inspirer les voix d’ici, elle reste encore trop méconnue du grand public.

Pour y remédier, nous avons imaginé une initiative poétique et visuelle : à partir d’une sélection de phrases marquantes tirées de l’œuvre de Césaire, quatre artistes visuels – Richard Vildeman, René-Paul Savignan, Kid Kréol et Boogie – ont été invités à donner vie à ses mots à travers leur art. Le fruit de cette rencontre donne naissance à 12 affichettes, imprimées puis installées dans les transports en commun. Ces créations ont également été rassemblées dans un portfolio édité en 300 exemplaires.

Le projet « Limazinèr Césaire » s’articule autour de trois temps forts qui se répondent :

  1. Faire découvrir l’œuvre poétique de Césaire aux Réunionnais, en diffusant ses mots dans les bus du 6 au 19 octobre 2008.
  2. Aller à la rencontre du grand public à travers l’espace urbain. Fidèle à l’esprit de la série d’actions Limazinèr que nous menons depuis 2001, cette démarche utilise les supports publicitaires pour surprendre, interpeller et nourrir l’imaginaire collectif.
  3. Ancrer cette action dans les événements culturels majeurs de l’île, en la reliant à Lire en Fête et à la Sominn Kréol 2008.

En chiffres :
200 affichettes réparties dans 100 bus urbains, desservant les villes de Saint-Denis, Saint-Pierre, Saint-Louis et Le Port, du 6 au 19 octobre 2008.

Choix des textes : Lolita Monga & Patrice Treuthardt
Médiation culturelle : Elza Désiré
Coordination artistique : Antoine Merveilleux du Vignaux
Design graphique : Kamboo

Remerciements : Galerie Art Sénik, Ligne Rouge, la direction du développement culturel de la Ville de Saint-Denis, La Lanterne Magique, Lantouraz Pintad, Publicar.

AIMÉ CÉSAIRE

Aimé Césaire est né le 26 juin 1913 au sein d’une famille nombreuse de Basse-Pointe, commune du Nord-Est de la Martinique, bordée par l’océan Atlantique dont la « lèche hystérique » viendra plus tard rythmer ses poèmes. Le père est un petit fonctionnaire, la mère est couturière.

De Basse-Pointe au Lycée Louis-Le-Grand

Élève brillant du Lycée Schoelcher de Fort-de-France, Aimé Césaire poursuit ses études secondaires en tant que boursier du gouvernement français au Lycée Louis-Le-Grand, à Paris. Au contact des étudiants africains, lui et son ami guyanais Léon Gontran Damas découvrent progressivement une part refoulée de l’identité martiniquaise : la composante africaine. En septembre 1934, Césaire fonde, avec d’autres étudiants antillo-guyanais et africains (Léon Gontran Damas, les Sénégalais Léopold Sédar Senghor et Birago Diop), le journal L’Étudiant noir. C’est dans les pages de cette revue qu’apparaît pour la première fois le terme de « négritude ». Construit contre le projet colonial français, ce concept est davantage culturel que politique. Il s’agit, au-delà d’une vision partisane et raciale du monde, d’un humanisme actif et concret, destiné à tous les opprimés de la planète. Césaire déclare en effet : « Je suis de la race de ceux qu’on opprime ». Admis à l’École Normale Supérieure en 1935, il commence en 1936 la rédaction de son chef-d’œuvre, Cahier d’un retour au pays natal. Agrégé de Lettres, il rentre en Martinique en 1939 pour enseigner au Lycée Schoelcher.

Engagement culturel, engagement politique

Il fonde en 1941 la revue Tropiques, dont l’objectif est la réappropriation par les Martiniquais de leur patrimoine culturel. Celle-ci paraîtra, avec difficulté, jusqu’en 1943. La guerre marque le passage en Martinique d’André Breton qui découvre la poésie de Césaire et le rencontre en 1941. En 1944, Breton rédigera la préface du recueil Les Armes miraculeuses, qui marque le ralliement de Césaire au surréalisme. Invité à Port-au-Prince, Aimé Césaire passe six mois en Haïti, où il donne une série de conférences très remarquées dans les milieux intellectuels. Ce séjour influence profondément son œuvre ; il écrira un essai historique sur Toussaint Louverture et une pièce de théâtre consacrée au roi Henri Christophe, héros de l’indépendance. Il fonde également à Paris la revue Présence Africaine, aux côtés du Sénégalais Alioune Diop et des Guadeloupéens Paul Niger et Guy Tirolien. En 1950, il y publie son célèbre Discours sur le colonialisme.

Alors que son engagement littéraire et culturel reste central, Césaire est entraîné en politique dès son retour en Martinique. Sollicité par les élites communistes en quête d’un renouveau, il est élu maire de Fort-de-France en 1945, à 32 ans, puis député de la Martinique à l’Assemblée Nationale l’année suivante. En 1946, il rédige avec ses collègues des Antilles, de Guyane et de La Réunion (Raymond Vergès et Léon de Lepervanche) une proposition de loi transformant ces anciennes colonies en départements français. Suite à l’invasion soviétique de la Hongrie en 1956, il quitte le Parti communiste français et fonde, en mars 1958, le Parti Progressiste Martiniquais (PPM).

Une reconnaissance universelle

Parallèlement à son activité politique, Aimé Césaire publie poésies, pièces de théâtre et essais. De nombreux colloques et conférences internationales sont consacrés à une œuvre littéraire traduite dans de nombreuses langues et universellement saluée. Aimé Césaire s’éteint à Fort-de-France le 17 avril 2008, à l’âge de 94 ans. Le monde entier lui rend hommage : le poète, l’homme d’action, le chantre de la négritude reçoit des funérailles nationales en Martinique le 20 avril 2008.

Source : www.lehman.cuny.edu

LA DONNE AMOIN…

Aimé Césaire la done amoin lë mo, bann mo lé sitèlman nésésèr pou bann poèt ! In poèt na touzour bann mo gayar pou koz si son péi sinon sa pou invante son péi. Bann mo gabié, bann mo gadianm, bann mo galé… Lë mo lé kom in kaz é moin mi èm abit la kaz-la ! Aimé Césaire a été pour moi le déclencheur en poésie, avec ses dalons Senghor, Damas, Rabemananjara, Maunick — peut-être mon préféré — et mes grands meneurs Boris Gamaleya, Alain Lorraine, Axel Gauvin, sans oublier « les intellectuels analphabètes » de mon Pays maloya bienaimé ! Tous ceux-là m’ont donné les mots. Quel plus beau cadeau. Ainsi je suis devenu ravisseur du Mot, marronneur avec les mots. Détrousseur de la Parole.

Il faut dire que jamais il ne me fut donné d’apprendre sur les bancs de l’école notre histoire et notre géographie noires. Notre négritude chère (chair) à Aimé Césaire. Avec ces grands zarboutans de la Parole, j’ai remonté jusqu’en Afrique pour découvrir, pour recouvrir cette part nègre que je porte en moi en tant que Réunionnais. Chez nous, l’on dira plus volontiers notre part cafre. Notre nation cafre ! Et comme dit un vieux maloya au pays :
Moin nana mon monmon Siya / Sa lé noir kom kafé griyé / Sa lé noir kom kafé griyé / Kafé griyé nasion mon monmon.
Amoin osi moin lé noir akoz moin lé rénioné / Amoin osi moin lé in poèt akoz moin lé rénioné.
Et moi aussi je suis noir parce que je suis réunionnais, et moi aussi je suis poète parce que je suis réunionnais.

Patrice Treuthardt / 12/08/08
Poète, militant culturel, né en 1956 à Saint-Pierre. Membre de Ziskakan, animateur historique de Lantouraz Pintad, il s’active en toute heure et partout à défendre la poésie vivante et les amitiés.

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